Georges Bidault de l'Isle
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Notre Association a reçu le prix prestigieux de Georges Bidault de l’Isle
La mission de la Société Astronomique de France au Caucase
conduite par Georges Bidault de l’Isle :
En mars 1936, la Société Astronomique de France a chargé Georges Bidault de l’Isle, directeur
de l‘observatoire de la Guette, de diriger une mission scientifique pour assurer l’observation
de l’éclipse totale du soleil prévue le 19 juin 1936. Le but consistait à photographier et filmer
le phénomène, et aussi à faire des observations météorologique et étudier la variation de
l’intensité calorifique du soleil.
La Mission devait choisir une région passant sous la ligne de totalité de l’éclipse qui partait du
33e parallèle, au sud de l’île de Malte et prenait fin dans le Pacifique au sud-ouest du Japon,
en passant par la mer Caspienne.
Le choix du lieu d’observation de l’éclipse devait être assez avancé sur la ligne de totalité pour
que le soleil ne soit pas trop bas sur la ligne d’horizon, que les conditions climatiques soient
bonnes et que le lieu soit accessible en train.
Avec le feu vert des autorités de l’URSS, le lieux choisi fut Beloretchenskaïa à
l’embranchement de deux lignes ferrées dans le nord-ouest Caucasien, à 2 653 km de l’Isle sur
Serein à vol d’oiseau.
C’était la première fois depuis la création de l’Union soviétique qu’une éclipse totale pouvait
y être observée, qui plus est sur une bande traversant la totalité de son territoire. Ce fut donc
l’occasion de mobiliser un grand nombre de scientifiques soviétiques et d’accueillir des
expéditions étrangères.
1936, c’est aussi dans le monde : la Remilitarisation de la Rhénanie, le second Traité naval de
Londres, la victoire électorale du Front populaire aux législatives en France, l’Éthiopie occupée
partiellement par l’Italie, le début de la Grande Révolte arabe de 1936-1939 en Palestine, le
début de la guerre civile espagnole, le pacte anti-Komintern. C’est aussi l’année de la nouvelle
constitution soviétique, adoptée le 5 décembre 1936 qui précédera la période de terreur de
et de purges de 1937-1938.
Profitant de ce relatif calme politique en URSS, la mission de la Société Astronomique de
France a été plutôt bien accueillie par les autorités.
« L’ Ambassade de l’URSS à Paris s’était multipliée pour que notre Mission pût remplir sa tâche
dans des conditions les meilleures et les plus favorables. »…« Les autorités firent installer une
véritable hôtellerie, dotée d’un confort méritoire, dans l’aéroport même de Beloretchenskaïa »
Georges Bidault de l’Isle
Mais malgré son aspect purement scientifique, la Mission française sera toujours
accompagnée par un politrouk (политрук) , un commissaire politique.
Dimanche 7 juin 1936 à 10 heures du matin gare du Nord à Paris, début du voyage pour
Beloretchenskaïa via Berlin, Stolpce et Moscou.
À Berlin, nos scientifiques sont accueillis par le Dr A. Weber, physicien et Robert Henselling,
directeur de l’Astrophysikalische Observatorium de Potsdam. Après une journée bien remplie
de conférences et de visites, le groupe reprend le train en direction de Moscou.
G. Bidault de l’Isle décrit dans ses notes un paysage, plat et monotone agrémenté par de
superbes forêts de sapins.
« En Pologne, où la propriété individuelle a conservé ses prérogatives, la campagne apparaît
morcelée …. En URSS au contraire où le sol appartient à la collectivité, aucun morcellement.
De grandes, d’immenses cultures exploitées par les collectivités paysannes (kholkozes) qui
accentuent l’uniformité du paysage »
A la frontière le train s’arrête et les soldats de l’Armée rouge remplacent les gendarmes
polonais et à la gare de Negoreloïe, changement de train car les voies russes sont plus larges.
Après 36 heures de train depuis Berlin, la Mission arrive enfin à Moscou.
En 1936, Moscou compte trois millions et demi d’habitants. C’est devenue une ville immense,
qui a bien changé depuis la guerre, elle a perdu de son charme et s’apparente aux métropoles
américaines.
« Aussi ceux qui, du seul point de vue touristique, ont connu Moscou avant-guerre, se montrent
ils un peu décontenancés lorsqu’ils déambulent dans cette ville d’allure moderne, aux vastes
avenues bordées de buildings non encore achevés, et où ne subsistent du passé que des
immeubles flétris et des monuments à demi ruinés. » G. Bidault de l’Isle
Après un voyage de 1 300 km en train à travers l’URSS, la Mission arrive à Beloretchenskaïa
(Белореченская) Elle est accueillie à la gare par la Mission scientifique russe Barabachov sous
une banderole rouge où était inscrit en lettres d’or : Aux savants étrangers notre salut !
Une fois sur place, la Mission avait cinq jours pleins avant l’éclipse pour préparer et installer
les appareils. Tout avait été mis en oeuvre par les autorités russes pour faciliter l’installation
des équipements scientifiques. Le sol de la station avait été damé et des piliers de briques
alignés sur la méridienne avaient été élevés. Les deux jours précédant l’événement sont
employés à des essais afin d’assurer la précision et la marche régulière du coelostat
équatoriale, le centrage des appareils, etc. Chacun connaissait ses instruments, savait ce qu’il
avait à faire.
M. Leclerc était chargé de filmer l’événement avec une caméra 35mm. M. Sagot était le
responsable du coelostat, appareil qui permet de suivre précisément le mouvement de la Terre
et d’enregistrer un point fixe dans le ciel. M. Kaplan s’occupait de la chambre photographique
de 120mm. M. Le Thierry et M. d’Halluin ayant tous deux une lunette de 75 mm d’ouverture et
un théodolite devaient mesurer des angles dans les deux plans horizontaux et verticaux afin
de déterminer une direction. M. Guerillon était responsable du pyrhéliomètre enregistreur
équatorial à cellule photoélectrique pour mesurer l'irradiance solaire. M. Justesen, collègue
danois muni d’un photomètre à cellule « Bewi Jun » avait pour mission de rechercher
l’intensité de la lumière pendant l’éclipse. M. Bidault de l’Isle responsable de la mission et
météorologue était venu avec des thermomètres-frondes, des baromètres anéroïdes de type
altimétrique, deux photomètres à cellule photoélectrique et un chronomètre tachymètre
étalonné sur les tops des signaux horaires envoyés par T.S.F.
Aucun des membres n’avait jamais vu d’éclipse totale de soleil. A 3h 59m 59s T.U. le soleil
disparaît caché par la lune pendant quatre-vingt-douze secondes . Bien que chacun fût
concentré sur sa tâche, un sentiment d’émerveillement et de profonde admiration domina
tout le groupe. Car effectivement la contemplation d’une éclipse totale est une chose rare.
« C’est pour admirer un tel spectacle pendant une minute et demie seulement que nous avions
fait 10 000 kilomètres de randonnée. Mais, plus heureux que d’autres astronomes, qui
voyagèrent plus loin encore, nous avions du moins par ce merveilleux spectacle, été largement
payés de notre long déplacement et de nos peines. » G. Bidault de l’Isle
La mission fut un succès, de nombreuses données furent recueillies, les déclinaisons
magnétiques, les effets sur les transmissions radiotéléphoniques, les courbes de températures
pendant l’éclipse, l’intensité de la lumière au zénith, l’éclat du croissant solaire et la coloration
de l’atmosphère et de l’horizon. Toutes ces données sont toujours conservées à la Société
Astronomique de France et à la société des Sciences de Nancy. Le film est le premier document
cinématographique d’une éclipse totale de soleil tourné en 35 mm, sa valeur historique est
inestimable. Quatre-vingt-deux ans plus tard, j’ai retrouvé le film de M. Leclerc dans les
archives familiales à l’Isle-sur-Serein, il est en parfait état. C’est avec une grande émotion que
j’ai regardé ce document témoin d’un voyage extraordinaire et de la volonté d’un groupe
d’homme de comprendre les mécanismes stellaires.
Bertrand Bidault de l’Isle
Georges BIDAULT de l’ISLE a été Vice-Président de la Société Astronomique de France fondée par son
ami Camille FLAMMARION en 1887. Il a construit en 1921 l’Observatoire de la Guette à l’Isle-sur-Serein.
Il a participé, avec le physicien Bernard LYOT, à la mise au point du Coronographe utilisé en
astrophysique pour l’étude du soleil.
Eclipse de 1936, on y voit e,tre autres Georges Bidault de l'Isle ...